Michelle Palandre

Tête de liste du Défi givordin

Aux élections municipales de mars 2014

 

Je suis née Michelle Dantin le 20 décembre 1958 à l’hôpital de Montgelas. Nous habitions alors un petit appartement au 74 Rue Jean Ligonnet, dans un immeuble modeste, et nous avions une relation amicale, presque familiale avec nos voisins. Il y a avait un bar-épicerie au rez-de-chaussée tenu par Mr et Mme Boulicot. Des gens charmants, joyeux et généreux.

Quand j’ai eu cinq ans, nous avons déménagé pour habiter une maison située à la cité du Garon, appelée alors la Cité Prénat. En effet, Mr Prénat, qui dirigeait l’usine du même nom, avait construit, pour ses employés dans les années 30, des maisons mitoyennes au bord du Garon. Mes grands-parents qui travaillaient comme ouvriers dans cette usine en étaient locataires, et quand Mr Prénat a décidé de vendre, mes parents en ont acheté une. Ma mère y avait vécu la plus grande partie de son enfance. Là encore, l’ambiance du quartier était chaleureuse. Tout le monde se connaissait et nous étions de nombreux enfants qui avons eu cette chance de vivre dans un lieu fait de jardins, avec des fruits et des légumes, de prés, du Garon sur lequel nous « naviguions » sur des radeaux de notre fabrication,  des voies ferrées désaffectées que nous dévalions sur des chariots en bois, et le stade à proximité. Nous avions les joues bien rondes et roses. Nous étions des enfants heureux.

 

 

J’ai fait un peu de danse classique avec Melle Rocher et beaucoup d’athlétisme avec Mrs Belmonte et Pietrocola. Nous avons aussi beaucoup vécu au rythme du rugby, mon frère ayant joué dans le club du SOG depuis ses 5 ans et eu son heure de gloire avec le club dans les années 70. Je me souviens aussi d’une semaine passée au chalet de St Pierre de Chartreuse. C’était sympathique, nous nous sommes bien amusés mais j’avoue que je ne suis pas trop attirée par le ski. J’aime mieux le soleil. J’ai appris à nager à la piscine de Givors, j’ai aussi fait un peu de couture et de cuisine au centre social.

J’ai fait toute ma scolarité à Givors. De la maternelle à la primaire à l’école Joliot Curie, où j’ai eu la chance d’avoir comme directrice Madame Ville. Une femme sévère mais juste qui nous a appris le respect des autres et le goût du travail. Nous étions près d’une quarantaine de filles par classe, des enfants issus de la mixité sociale. A l’époque, nous ne parlions pas de mixité sociale, justement parce qu’elle était là, et que  nous ne nous  posions pas la question de savoir si nos parents étaient ouvriers, médecins, ingénieurs ou professeurs, d’origine française ou pas. Nous portions des blouses et je n’ai jamais ressenti le moindre sentiment de jalousie ou de gêne par rapport à nos origines. J’ai ensuite inauguré le collège des Vernes baptisé depuis « Lucie Aubrac », puis j’ai rejoint à regret une école à Lyon d’où, je dois l’avouer je ne garde pas de bons souvenirs et dont je suis sortie avec niveau «  bac poubelle », c’est comme ça qu’on appelait à l’époque, le bac G2 (comptabilité)

Pendant les vacances, et les week-ends, je faisais des petits boulots en travaillant dans une crêperie à la sortie d’une grande surface, sur les marchés, (ça j’ai adoré, partir très tôt le matin déballer la marchandises et aller boire un café avec les autres forains, discuter et négocier avec les clients) et j’ai aussi le souvenir d’un mois d’été à la lingerie de l’hôpital de Montgelas.

 

Mon père travaillait « aux ponts et chaussées » dit la DDE. Avant cela, il était chauffeur chez Puzin et encore avant avait travaillé à la faïencerie Labrue et a participé à la reconstruction du pont de la Méditerranée. Ma mère  a fait son apprentissage aux tissages givordins et est devenue mère au foyer à la naissance de mon frère. Quand nous avons un peu grandi, elle a repris le travail et a été femme de service à l’hôpital de Montgelas jusqu’à sa retraite. Ils ont été de bons parents, toujours attentifs à notre bien-être. Ils n’avaient pas de gros moyens, mais nous n’avons jamais manqué de rien. Ils sont aujourd’hui décédés, mon père en 1992 et ma mère en 2006 et reposent au cimetière de Badin et ils me manquent encore tellement. 

Quand je suis sortie de l’école, le travail commençait à manquer. J’ai pris ce que l’on m’a proposé et après un très court passage à l’usine de jouets PIPO, j’ai travaillé à la chaîne comme saisonnière à l’usine CAMPING GAZ. Je ne regrette pas cette époque. Cela m’a permis de connaitre l’ambiance de l’usine, avec ses côtés épuisants mais aussi de relations sympathiques et populaires. J’étais jeune et n’avais aucune charge de famille, mais je me posais souvent la question de comment toutes ces femmes qui y travaillaient depuis toujours tenaient le coup entre la fatigue de l’usine, de la maison, des enfants. J’ai compris qu’elles étaient de ces nouvelles générations de femmes qui pouvaient s’affirmer par le travail. C’était dur, mais primordial pour elles de gagner leur vie. Certaines étaient de Givors et je les croise de temps en temps encore aujourd’hui. Nous en avons toutes gardé de bons souvenirs.

Je me suis mariée en 1977, à la mairie de Givors puis à l’église de Canal et nous avons vécu 5 ans aux Vernes. Nous étions bien logés et le quartier était tranquille mais nous avons préféré déménager après la naissance de notre  fille, que j’ai mise au monde à l’hôpital de Montgelas.  Pour le côté pratique, mais aussi pour lui offrir un peu d’oxygène. Oh ! Nous n’avons pas choisi le luxe, mais la cité HLM où nous avions choisi de vivre était disons plus à « taille humaine ».  C’était la bonne époque où les HLM n’étaient pas réservés à une certaine classe sociale et la mixité de la population faisait que nous profitions du bon côté du mélange des cultures. Nous étions tous logés à la même enseigne, même si certains n’étaient là que de passage, en attendant de pouvoir s’offrir un pavillon ou un appartement, même si certains avaient une bonne situation professionnelle et d’autres étaient sans profession ou  au chômage.  Les enfants fréquentaient la même école, jouaient dans le même square et j’ai d’excellents souvenirs de ces moments passés entre mamans et enfants les mercredis, les week-ends et les vacances d’été que nous allions tous passer à la piscine communale pour partager les goûters des enfants. Les choses se sont compliquées quand l’Etat a décidé que les HLM seraient réservés aux classes sociales pauvres. Ceux qui sont partis ont été remplacés par des foyers à bas revenus, ceux qui sont restés comme nous et qui avions la chance que notre situation sociale  évolue  légèrement, ont dû payer un surloyer. Je trouvais normal d’être solidaire et ça ne m’a jamais choquée, jusqu’au jour, où à force de départs des foyers de classe moyenne, le quartier est devenu difficile. Les boîtes aux lettres cassées, les ascenseurs dégradés, les murs tagués, les voitures volées ou brûlées. Je ne fais pas ici le procès des classes pauvres. Comme je l’ai dit plus haut, nous avons très bien vécu ensemble quand la mixité était là. Il y a des gens très bien, mais, il faut se rendre à l’évidence, la misère rend souvent  aigri et triste. Nous faisions partie de la classe moyenne, plutôt basse que moyenne, mais le fait de travailler à deux et de n’avoir qu’un enfant nous rendait la vie plus facile qu’à certains qui n’avaient pas de travail, ou étaient des familles monoparentales, pour qui il était dur d’élever des enfants. Quand la mixité  a disparu, nous avons été isolés, non pas que nous méprisions les autres, mais je crois que nous ne nous comprenions plus. Cette situation m’a déçue. J’ai malheureusement le sentiment que le manque de mixité sociale s’étend aux villes comme Givors ou d’autres mais surtout dans les villes de gauche. Il faut être honnête, la paupérisation rend les gens plus dociles. Ils ont besoin d’aide et se contentent de ce que veut bien leur donner la société. Je pense  que les villes de gauche font du social de bas de gamme. On maintient les gens dans la pauvreté au lieu d’essayer de les sortir de là. Ils deviennent ainsi tellement faibles qu’ils sont hypnotisés, anesthésiés et gavés  comme des oies de certitudes angéliques. J’ai souvent dit «  on s’habitue à tout ». Je le sais parce que je m’étais moi-même habituée à vivre dans une cité où plus rien ne me convenait. Il a fallu que j’aille vivre ailleurs pour m’en rendre compte. Et j’ai bien peur que notre pays tout entier s’habitue  à cette immolation d’une certaine France sur l’autel de l’humanisme exacerbé, à cette obstination de vouloir détruire le socle français,  et qu’un jour les Français se réveillent et se mettent à voter avec leur pieds, c’est-à-dire  qu’ils s’en aillent voir ailleurs. Je m’inquiète pour ceux qui n’auront pas les moyens de partir et qui resteront comme cela se passe déjà dans les cités et dans certaines villes, seuls, sans aucune richesse pour pouvoir les aider. Et la richesse ne veut pas dire seulement argent, elle veut dire aussi, culture, savoir-faire, éducation. Tout le monde sait qu’on ne peut pas faire de bon social sans richesse. La seule volonté que chacun doit avoir à son niveau est de vouloir monter d’un cran en tirant celui d’en dessous vers le haut. Ainsi se construira une société solide, un peu comme il y a plusieurs siècles des hommes ont construit des édifices qui aujourd’hui ont gardé leur grandeur et leur magnificat.

 

Dans  ma vie professionnelle, dès l’âge de 20 ans, j’ai travaillé dans l’assurance. J’ai appris mon métier avec Mr Terroni, un homme issu de l’immigration italienne, qui à la force de son travail et de son intelligence a bien réussi. Ce fut un bon patron. Bon et généreux qui a su m’apprendre mon métier mais qui m’a aussi permis de voir qu’on pouvait gagner sa vie et aider les autres. Nous avions des relations chaleureuses avec nos clients. Je me souviens d’avoir rempli des déclarations d’impôts ou des lettres de demande d’emploi à des personnes qui ne savaient pas écrire. Ils me le demandaient avec une certaine gêne, et je leur disais, «  vous savez construire des maisons, pas moi, ou  vous savez réparer des voitures, pas moi, vous avez eu le courage de quitter vos racines pour mieux faire vivre vos enfants,  vous avez appris à parler notre langue, moi j’ai la chance n’être née ici et je sais écrire, à nous deux, on va y arriver » Je sais qu’ils avaient confiance en nous. Ça fait aujourd’hui 35 ans que je fais ce métier. Les méthodes de travail ont changé mais je n’ai jamais changé ma façon de me comporter avec mes clients. Là encore, je côtoie  toutes les classes sociales. Je connais les difficultés de chacun d’entre eux. Ceux qui vivent « petit » parce leur situation est précaire, ceux qui sont très âgés et qui sont perdus devant les nouvelles techniques, ceux qui ont bien réussi, ceux qui ont de belles affaires mais qui en bavent pour les maintenir, les artisans qui travaillent dur, les commerçants qui doivent s’adapter à toutes les situations pour survivre. Je respecte chacun de mes clients, d’abord parce qu’ils me font vivre mais aussi parce qu’ils ne m’ont  jamais lâchée depuis tant d’années. J’aime mon métier parce que j’aime les gens, et c’est pour ça que je veux m’engager encore plus dans notre société  et surtout à Givors, pour essayer de les aider. La politique est un moyen de le faire. C’est donc pour cela que j’étais sur la liste s’opposant à la majorité en 2008. La liste de M.Passi a gagné dès le premier tour. C’est bien sûr toujours décevant de perdre mais cette élection a soulevé chez moi une grosse interrogation. 28.40% seulement  des inscrits ont voté pour M. Passi . C’est-à-dire que près de 72% des Givordins n’ont pas voté pour lui, ils n’ont pas voté pour nous, d’accord, mais je me pose la question qui me semble primordiale dans l’organisation d’une société ou d’une ville. Comment peut-on laisser le  plein pouvoir à une liste quand  plus des deux tiers de la population ne l’a pas voulue ? Je me suis donc battue avec mes trois autres colistiers pendant 6 ans pour analyser et contrôler tous les dossiers de la ville, dans un esprit constructif,  certes, mais sans concession  et détermination et surtout sans soumission.  Je suis convaincue que les Givordins peuvent et  doivent retrouver la force qui les caractérise pour être non plus des spectateurs de ce qui se décide dans leur ville mais les acteurs. On a toujours dit que Givors était le pays des hommes forts, alors prouvons que cette maxime est juste et affirmons nous. Je m’oppose avec toute mon équipe à  la gauche et notamment aux communistes qui sont là depuis 60 ans. Qu’ont-ils fait de cette ville à part la paupériser ? Toutes les industries sont parties, les HLM ont poussé partout, au nom de la solidarité vous diront-ils. Mais où est la solidarité dans une ville où on pousse tous les jours les moins  défavorisés à partir. Comment faire de la solidarité quand vous n’avez plus de richesse. Comment aider les plus démunis sans argent. En divisant pour mieux régner, sûrement pas. Les Givordins, «  par culture » votent à gauche ou ne votent pas. Parce que la plupart d’entre eux, même si leur situation a évolué sont issus de milieu ouvrier. Je veux dire à tous ces gens que je suis issue d’un milieu ouvrier, que je sais ce que c’est de vivre dans une cité HLM, que j’ai connu moi aussi des fins de mois difficiles, que je ne fais pas partie des nantis aujourd’hui, mais que j’ai compris depuis longtemps que s’opposer à la gauche ne faisait pas de moi un monstre. Je ne supporte plus que les gens se regardent comme s’ils étaient des ennemis parce qu’ils sont différents. Nous sommes tous différents de l’autre et ce qui est intéressant est d’accepter de l’autre ce que nous n’avons pas. Nous ne devons pas exiger qu’il devienne comme nous,  mais il ne peut pas non plus nous demander de nous plier à ses quatre volontés. A ce sujet, je me sens obligée de parler de ma position de femme. Je ne me reconnais pas vraiment chez les féministes. Mais comme pour toutes les différences, là encore, je suis sûre qu’il faut un juste milieu. Les femmes doivent être respectées comme les hommes, mais elles doivent aussi garder cette part de féminité justement, qui leur apporte un «  plus » dans certains cas. Là où certains hommes y voient une faiblesse, moi j’y vois une force en plus. Mais pour être très franche, je ne me suis jamais vraiment posé la question de savoir si le fait d’être une femme me permettait ou non de faire quoi que ce soit. Pour l’avenir de Givors   Je n’ai pas la prétention d’avoir la pensée unique. Je veux que les Givordins expriment haut et fort ce qu’ils veulent vraiment et nous ferons tout pour les satisfaire. Nous avons bien sûr construit un programme d’avenir pour cette ville que nous garderons pour nous pour l’instant. Plusieurs de nos idées ayant été reprises à son compte par la majorité actuelle, nous sommes prudents. Mais même s’il n’est pas question de tout révolutionner, de tout changer, parce que les Givordins aiment ce qui fait la base de notre ville, nous saurons redonner à Givors toute sa grandeur et sa force , en tenant compte des propositions de chacun, en respectant les origines de chacun, en tendant la main à ceux qui voudront s’en sortir, en redonnant une image faite d’ambition , de compétitivité et de courage.

Je veux me battre avec mon équipe pour que Givors redevienne une ville forte. J’aime cette ville, elle est mon berceau depuis ma naissance, toutes mes racines, tous mes souvenirs personnels et professionnels sont ici. Je connais bien les Givordins et je les aime comme ils sont. Pour ceux qui en doutent, qu’ils réfléchissent et qu’ils se demandent pourquoi je veux m’engager dans une ville aussi  difficile à conquérir. Je ne suis pas attirée par le miroir aux alouettes et j’ai un travail que j’aime et qui me mènera gentiment jusqu’à la retraite. Ma seule volonté est de vouloir réanimer Givors, mon seul plaisir sera de rendre la vie plus simple aux Givordins, à tous les Givordins, sans exception. Je serai à leur service comme je l’ai toujours été de manière différente. Et surtout, je veux que ceux qui ont la majorité aujourd’hui ne s’imaginent pas qu’ils sont « chez eux » et qu’ils peuvent tout imposer aux Givordins. Nous avons tous notre mot à dire. C’est le moment de le faire avec force et en nombre. Que les Givordins qui veulent que Givors devienne plus fort nous suivent !

 

Michelle Palandre

Givors, le 11 mars 2013